Formation continue dans les universités : le défi du e-learning

La formation professionnelle est une formidable manne : 32 milliards d’euros ont été dépensés en 2012, dont 13,8 par les entreprises. Grandes écoles et universités veulent en bénéficier en proposant notamment de l’e-learning. Le point à l’occasion de la conférence EducPros du 24 novembre sur le sujet.

En formation continue comme dans d’autres domaines, les entreprises ont toujours eu besoin de rapidité. « Nous ne voulons pas attendre six mois pour former des gens« , témoigne Alexandra Lange, directrice de la formation chez AG2R La Mondiale, qui attend d’un organisme de formation une certaine réactivité entre la demande et la proposition.

L’ESSOR DU BLENDED LEARNING

Les entreprises se doivent désormais de motiver leurs salariés. Antoine Amiel, fondateur et dirigeant de Learn Assembly, un cabinet de formation au numérique, atteste que ses entreprises clientes – toutes des grands comptes – ont besoin de « redorer le blason de la formation ». « Le taux d’annulation en présentiel une semaine avant la formation a explosé. Les salariés veulent être acteurs de la formation et, s’ils considèrent que l’offre n’est plus adaptée, ils iront voir ailleurs », précise-t-il. D’où la nécessité pour les RH de proposer une offre séduisante. Le e-learning y a sa place.

« Je crois à la règle des 70-20-10, poursuit Antoine Amiel : 70 % de l’apprentissage du salarié se fait en position de travail ; 20 % en partageant avec les collègues lors d’échanges informels ; 10 % en formation présentielle. » C’est pourquoi l’attente des entreprises porte beaucoup sur le mix présentiel-distanciel, ou blended learning. Pour séduire, bien souvent, ces formations hybrides ne doivent pas mobiliser le salarié plus de deux jours.

ÉCOLES ET UNIVERSITÉS, UNE INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE HORS PAIR

Face aux attentes des entreprises, l’évidente plus-value des établissements du supérieur repose sur leur capacité à délivrer diplômes, certificats et titres inscrits au RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles). « Les récentes réformes de la formation nous obligent à prouver que les collaborateurs sont compétents après la formation, explique Alexandra Lange. C’est pourquoi la certification est importante pour nous. »

Hors diplôme – et donc en formation sur mesure –, les établissements du supérieur peuvent aussi mettre en avant leur ingénierie pédagogique dans le cadre d’appels d’offres. C’est par exemple le cas de l’IAE de Caen, qui a gagné un appel d’offres émis par un Opca (organisme collecteur de la taxe formation). Résultat, un Mooc a été créé, portant sur le management des compétences dans la filière agroalimentaire, à destination des responsables en ressources humaines. « Nous avons gagné parce qu’il y a eu un vrai travail d’ingénierie pédagogique et de prise en compte des spécificités sectorielles, juge Pascal Aurégan, enseignant-chercheur et chargé de mission e-learning. L’idée maintenant, c’est d’aller vers une certification. Plus tard, nous voudrions utiliser les ressources pédagogiques de ce Mooc pour créer un diplôme qui serait une passerelle pour entrer en master 2 ressources humaines. »

Enfin, la présence d’enseignants-chercheurs constitue pour les entreprises une mine de savoirs incroyable pour la formation professionnelle, mais encore sous-exploitée. « Nous sommes dans la prospective de ce côté-là », résume Alexandra Lange.

STRUCTURER DES ÉQUIPES DÉDIÉES

Le défi pour les établissements du supérieur est de se structurer et de constituer une équipe dédiée aux offres e-learning et blended « mêlant plusieurs métiers, selon Alexandra Lange : des commerciaux dont le rôle est primordial, de l’ingénierie classique et digitale (et pas simplement de l’ingénierie universitaire traditionnelle), et des compétences techniques. »

Pour Nicolas Hernandez, fondateur et dirigeant de 360 Learning (conseil en e-learning), qui compte quelques grandes écoles et universités parmi ses clients, « les établissements ont encore du mal à aligner plusieurs acteurs en interne autour d’une stratégie. J’ai aussi remarqué [leur] faible capacité à se dire ‘on y va’, à prendre la décision de vendre une offre de formation à des entreprises. Cela prend dix-huit mois, ça les fait beaucoup réfléchir, et parfois ils se perdent dans ces réflexions. »

LE CHALLENGE DE LA COCONSTRUCTION

Autre impératif pour espérer toucher le secteur marchand : savoir travailler avec des cotraitants. « Lorsque nous publions une offre, nous cherchons soit la maîtrise de la technique (en interne), soit la coordination de la technique (en sous-traitance), détaille la responsable formation d’AG2R La Mondiale. Ce qui pose problème quand on recherche un partenaire, c’est la complexité du dossier qui nous est proposé. Si c’est trop lourd à mettre en œuvre (lourdeurs administratives, défis techniques, etc.), cela va nous dissuader. »

C’est pourquoi, selon Antoine Amiel, écoles et universités ont tout intérêt à coconstruire avec un partenaire : « Par exemple, une université s’allie à une start-up de serious game pour construire une formation en réponse à l’appel d’offres d’une entreprise. » Le deuxième appel à manifestation d’intérêt (AMI) sur la formation tout au long de la vie émis par le ministère de l’Éducation nationale devrait répondre à ces nouvelles attentes.

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